Les entrepreneurs et artisans des BTP vont-ils entamer leur « révolution verte » ? Bousculés par les nouvelles exigences écologiques et sociétales, interpellés par les clients, les professionnels du bâtiment s’organisent. « On a vraiment noté un ˝turning point˝ après le Grenelle. » Responsable de l’accompagnement PME chez Alliances pour la RSE, Danielle Hardy avoue être débordée de demandes de la part des entrepreneurs des BTP. «Ils sollicitent des réponses toujours plus pointues et personnalisées. Et veulent des outils visibles, conscients de l’avantage concurrentiel que peut leur apporter une telle démarche. » Depuis 2002, cette association du Nord Pas-de-Calais propose un diagnostic RSE aux entreprises de la région, pour les accompagner dans leur stratégie de développement durable. Devant l’intérêt que manifestent les PME et artisans du BTP, l’association compte faire de ce secteur la priorité de son prochain programme de rencontres et d’ateliers. Avec un accent spécifique mis sur l’emploi et la formation des salariés.
Car c’est bien un des chantiers majeurs de ce secteur en mal de main d’œuvre. La Fédération Française du Bâtiment (FFB) en a fait le sujet d’une grande campagne de promotion, lancée en 2007. Les objectifs : attirer les actifs vers des métiers souvent dépréciés, améliorer la formation initiale en y intégrant l’aspect environnemental et développer la formation continue. Véronique Liné, de la Commission environnement et construction durable de la FFB, concède que « l’image plus verte du Bâtiment », en partie suscitée par le Grenelle, attire d’avantage les jeunes, et « aide à lutter contre les a priori négatifs du secteur. » En revanche, elle insiste sur le caractère volontaire et individuel de l’adoption d’une stratégie RSE pour chaque entreprise. Si la FFB se montre présente pour informer chacun de ses adhérents, elle n’a pas, « pour l’instant », mis en place de démarche générale. « En matière de managment environnemental sur les chantiers, par exemple, on ne peut pas mettre en place de reproductibilité. Chaque chantier est différent, et il faut adapter sa démarche à chaque fois. » 42 000 entreprises de moins de dix salariés et artisans adhèrent à la FFB. La multitude de corps de métiers représentés explique en partie l’absence de politique RSE globale au sein de la FFB. Mais pas seulement. « Quand le terme est devenu monnaie courante, on a cru à un effet de mode. Aujourd’hui, on voit bien que ce n’est pas le cas, mais on n’a pas forcément envie de se créer une ˝étiquette˝ RSE. Du développement durable on en fait depuis longtemps », assure-t-elle.
De leur côté, les grands groupes tels Eiffage, Vinci ou Bouygues ont déjà adopté une démarche RSE, intégrée dans leur nomenclature. Bouygues Construction a par exemple lancé en 2007 un programme de développement durable, conçu autour de « sept axes de progrès », dont, entre autres, la gestion des risques sociaux et environnementaux, la relation avec les fournisseurs et les sous-traitants, la sécurité et la santé des employés, ou encore l’éthique des affaires. Christine Grèzes, directrice du département Développement durable, ajoute qu’un système d’autoévaluation a été mis en place auprès des grandes filiales du groupe, afin de piloter efficacement le déploiement du programme.
Les Travaux Public en avance
Rassemblant quelques 8000 adhérents, la Fédération nationale des Travaux Public (FNTP) a pour sa part crée un groupe de travail RSE il y a 4 ans. « Quand on a senti émerger ces thématiques, on a pris les devants », affirme Jean-Louis Marchand, responsable de ce groupe de travail jusqu’à sa récente nomination à la tête de la Commission Développement Durable de la FNTP. Depuis, le groupe a élaboré un diagnostic RSE, sur la base de la norme ISO 26 000 -en construction-, disponible depuis début 2007. Testé auprès d’une soixantaine d’entreprises volontaires, le dispositif a été amélioré jusqu’à sa version finale qui sera effective à la fin de l’année 2008. Le procédé consiste à mettre à la disposition d’une entreprise l’expertise d’un consultant, qui l’accompagnera sur les différentes étapes qui jalonnent le diagnostic. Après avoir participé à une journée d’échange avec d’autres entreprises en cours de diagnostic, il s’agit d’étudier un questionnaire fournit par la FNTP pour définir les axes de réflexion, puis de consacrer deux jours à la définition des enjeux prioritaires, parmi 34 proposés par la FNTP, pour finalement établir un plan d’action personnalisé. Jusqu’ici, quasiment la moitié des entreprises-témoins sont arrivées au bout du cycle avec succès. La FNTP envisage aujourd’hui la création de « clubs régionaux RSE », afin de permettre aux entreprises concernées d’échanger sur leurs méthodes, difficultés et objectifs.
Auteur : Anne Farthouat, Novethic