FirstFit : le protocole finlandais qui stoppe les blessures au travail

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Face aux manutentions quotidiennes de patients et de matériel, les ambulanciers sont exposés aux troubles musculosquelettiques. En Finlande, la méthode FirstFit, portée par l’Institut finlandais de la santé au travail, propose un cadre national pour évaluer, suivre et renforcer les capacités physiques, au service de la prévention des accidents.

Ambulanciers : une charge physique élevée qui appelle un cadre de prévention

Soulever, porter, transférer, parfois dans des escaliers exigus, par mauvais temps ou en urgence : la réalité du terrain soumet les équipes d’urgence à des pics de charge intenses et répétés. À cela s’ajoute l’imprévisibilité des situations, qui rend l’ergonomie difficile à maîtriser. Résultat : les TMS deviennent l’un des premiers facteurs d’accidents et d’arrêts, fragilisant la continuité de service et les carrières.

C’est de ce constat qu’est née FirstFit, une démarche coconstruite par des ambulanciers et des spécialistes de la santé au travail. L’ambition n’est pas de « sélectionner » mais de sécuriser le travail : objectiver la contrainte physique réelle, offrir un repère individuel et collectif, et outiller le dialogue entre employeurs, médecine du travail et équipes opérationnelles pour réduire les risques, améliorer l’aptitude au poste et prolonger la vie professionnelle en bonne santé.

FirstFit : un référentiel national d’évaluation et d’accompagnement

Le programme se déploie en deux volets complémentaires. D’abord (2019-2021), la constitution d’une batterie de tests de capacités physiques directement reliés aux exigences du métier : description fine des tâches, revue des données scientifiques, mesures de charge en service réel et ateliers avec le terrain. Ensuite (2023-2025), la mise en œuvre opérationnelle : instructions standardisées, procédures de feedback, supports de formation (guides, vidéos, webinaires), réseau de pairs-testeurs et construction de valeurs de référence propres aux ambulanciers.

Concrètement, la batterie couvre les dimensions clés de la performance fonctionnelle liées à la sécurité au travail :

  • Force et endurance musculaire (membres supérieurs, tronc, chaîne postérieure) ;
  • Capacité aérobie et récupération après effort ;
  • Mobilité, souplesse et contrôle moteur/équilibre ;
  • Indicateurs anthropométriques utiles au suivi.

L’intérêt prévention : chaque test est relié à des tâches réelles (portage, brancardage, transferts), pour traduire des résultats chiffrés en actions ergonomiques et d’entraînement directement applicables au poste.

Du laboratoire au terrain : un protocole centré sur le feedback utile

FirstFit formalise un parcours simple et reproductible, pensé pour ne pas pénaliser l’activité et maximiser le retour prévention. Le cycle type d’un accompagnement comprend :

  1. Un repérage des contre-indications et une préparation éclairée du test.
  2. La passation de la batterie (ex. poigne, gainage ventral, squats avec charge, mobilité, épreuves aérobie).
  3. Un débriefing structuré : lecture des résultats face aux valeurs de référence métiers, identification des points forts et des fragilités.
  4. La remise d’exercices ciblés et d’ajustements ergonomiques (gestes, organisation, matériel), puis un suivi dans le temps.

Pilotée d’abord sur un groupe mixte d’ambulanciers, la méthode a rapidement été adoptée par des services d’urgence et des acteurs de santé au travail. Les retours soulignent un effet « miroir » puissant : les professionnels perçoivent mieux l’écart entre ressenti et capacités mesurées, ce qui déclenche des changements concrets (programme d’endurance, renforcement, travail de mobilité) et améliore la perception d’aptitude aux exigences physiques du poste.

Côté outillage, des manuels illustrés, des vidéos pas-à-pas, des webinaires et un réseau de mentors facilitent l’appropriation. Les données agrégées alimentent des références métiers et renforcent la validité des liens entre résultats aux tests, symptômes musculosquelettiques, arrêts, et capacité perçue au travail.

Bénéfices, obstacles rencontrés et conditions de réussite (transférables)

Les bénéfices saillants pour la sécurité au travail : détection précoce des fragilités (dos, épaules, poigne), montée en compétence sur les gestes et postures, individualisation des entraînements, et amélioration du dialogue prévention au sein des équipes. Certains participants rapportent des transformations durables (perte de poids, meilleure récupération, moins de douleurs) et une baisse des incidents liés au portage.

Des défis existent toutefois. L’intégration des tests dans les cycles de service demande du temps et de la coordination. Des évolutions d’assurance en Finlande ont, par endroits, complexifié la couverture d’activités physiques réalisées sur temps de travail, poussant certains employeurs à temporiser. Autre vigilance : éviter l’effet contrôle. La pédagogie de FirstFit insiste sur le soutien à la progression, pas sur la sanction d’aptitude.

Côté transférabilité, la méthode s’appuie sur des connaissances internationales et un principe simple : partir du travail réel. Pour l’adopter ailleurs, il faut contextualiser les facteurs de charge (organisation des secours, densité urbaine, climat, configurations architecturales, contexte sécuritaire) et ajuster les valeurs de référence. L’approche, elle, reste valable pour d’autres métiers physiquement exigeants (logistique, incendie-secours, BTP, soins de longue durée) et constitue un modèle robuste de prévention intégrée.

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