Qu'est ce qui ne va pas dans la médecine du travail d'aujourd'hui ?
Comme les autres spécialités médicales, la médecine du travail est confrontée à une pénurie de praticiens. Faute de temps, les médecins du travail n'ont plus les moyens de respecter la législation. Aussi, nous ne gérons plus que les priorités c'est-à-dire les visites d'embauche, les visites de reprise du travail ou les visites à la demande du salarié ou de l'employeur. Sans compter que ces dossiers sont de plus en plus problématiques. Je pense en particulier aux visites de reprises. La sécurité sociale remet au travail des gens de plus en plus cassés. Je pense que notre activité clinique va de plus en plus se résumer à la résolution de difficultés d'adaptation à un poste de travail.

Est-ce à dire que vous êtes obligés de sacrifier les visites médicales obligatoires ?
Oui. La visite systématique, qui est passée de un an à deux ans finira par tomber d'elle-même faute de temps. Or, si les salariés ne nous connaissent pas, ils ne viennent pas spontanément vers nous et se livrent plus difficilement. La confiance est pourtant indispensable pour parler notamment de toute la souffrance psychologique qui occupe aussi une grande partie de nos consultations.

Vous déplorez dans votre livre la mauvaise image du médecin du travail ? Comment l'expliquez-vous ?
Notre profession est méconnue et méprisée sans doute en partie parce qu'elle s'est féminisée et qu'elle a longtemps été exercée par des praticiens qui effectuaient cette spécialité en deuxième carrière. Les gens pensent à tort que ce n'est pas une vraie spécialité médicale. Depuis la dernière réforme, cette image est en train de changer.

Qu'est ce qu'il faut changer dans la médecine du travail ?
Notre statut n'est plus adapté. Le médecin du travail est un salarié protégé dans son entreprise, c'est un fait, mais aucune disposition légale n'empêche une entreprise de changer de service de santé au travail. C'est trop facile. Il est évident que les entreprises ont intérêt à avoir un médecin du travail qui ne la ramène pas trop. Il faudrait aussi que les salariés aient un dossier médico-professionnel qui les suive toute leur carrière. Il y a un défaut de communication entre les médecins traitants et les médecins du travail. C'est préjudiciable au salarié. De ce fait, des expositions professionnelles demeurent ignorées et des maladies professionnelles sont sous-déclarées, beaucoup de salariés perdent ainsi des droits. «Mon médecin du travail», un livre à paraître le 19février, éditions Cherche midi.

Propos recueillis par Frédérique Le Gall, Le Télégramme