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Loi sur la responsabilité environnementale: le décret enfin publié

Classé dans la catégorie : Risques pour l'environnement

En publiant le décret relatif à la prévention et à la réparation de certains dommages causés à l’environnement, la France rend applicable sa loi sur la responsabilité environnementale. Elle échappe à une condamnation de Bruxelles, deux ans après la date limite de transposition de la directive. Mais de nombreux points restent en suspens. France nature environnement juge que le texte est une «usine à gaz».

La France vient d’achever de se doter d’un régime de responsabilité en cas de dommage grave causé à l’environnement par un professionnel, avec la publication au Journal officiel, dimanche 26 avril, du décret relatif à la prévention et à la réparation de certains dommages causés à l’environnement (1). C’était la dernière étape (2) à accomplir après la publication de la loi sur la responsabilité environnementale (3), le 1er août dernier. Il était temps. Le 30 avril, cela fera deux ans que la directive européenne sur la responsabilité environnementale (4) aurait dû être transposée en droit français. Le pays s’était fait rappeler deux fois à l’ordre par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE). La deuxième et dernière piqûre de rappel remonte à décembre dernier. Mais la notification du décret à la Commission européenne par le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) devrait lever la menace.

Le décret demeure flou sur la notion de dommage grave causé à l’environnement. «Nous nous sommes contentés de donner des précisions pour savoir ce que sont les dommages pour les sols, les eaux, les habitats et les espèces naturels protégés, indique Marc Rouchayrole, sous-directeur des Affaires juridiques au Meeddat. Cela reste très théorique, car il serait absurde de dresser l’inventaire de tous les dommages potentiels à l’environnement, sauf à vouloir un texte de 300 pages.» Néanmoins, l’avocat en droit de l’environnement Jean-Nicolas Clément juge la version finale du décret «plus carrée et plus directive» que l’avant-projet. «Ses auteurs ont limité les incertitudes après que les parties prenantes s’en sont émues au cours des derniers mois.»

Quant aux activités mentionnées par le texte, elles reprennent celles mentionnées dans l’annexe 3 de la directive: dangereuses ou potentiellement dangereuses, soumises à autorisation en vertu de la directive sur la prévention et la réduction intégrée de la pollution (dite IPPC), rejetant des métaux lourds dans l'eau ou dans l'air, produisant des substances chimiques dangereuses, de gestion des déchets (notamment les décharges et les installations d'incinération), ainsi que concernant les OGM. Pour toutes ces activités, l'exploitant pourra être tenu pour responsable d’un dommage grave même s'il n'a commis aucune faute.

Les autres activités professionnelles sont aussi concernées. Seulement, pour que la responsabilité de l'exploitant soit retenue, il faudra que la faute de l’exploitant soit démontrée.

Les exploitants pourront être tenus de verser des dommages et intérêts en cas de dommage grave. Le décret prévoit en effet deux contraventions dont le montant s’élève à 1.500 euros maximum: lorsque l’exploitant ne communique pas au préfet les dommages à l’environnement réalisés par son site ainsi que lorsqu’il ne met pas en œuvre les mesures de réparation prescrites.

Reste le mystère du montant des mesures de prévention et de réparation qui seront réclamées, selon Jean-Nicolas Clément. Pour l’avocat, «les mesures de prévention et de réparation seront décidées au cas par cas par le juge. Tout le monde a un peu peur de l’application. De manière caricaturale, les industriels craignent d’être assommés par ces mesures; et les associations environnementales une ‘collusion’ de l’administration et du juge, privilégiant l’intérêt économique des industriels par rapport à la réparation totale du dommage».

Quel accident industriel pourrait rentrer dans le champ de la loi? Sans doute pas AZF, selon Marc Rouchayrole. «L’explosion a fait des victimes humaines, des dégâts matériels, mais a priori pas de dommages environnementaux.» En revanche, la fuite de fioul lourd toxique à la raffinerie Total de Donges (Loire-Atlantique) en mars 2008, pourrait en relever. «Total a anticipé le régime de responsabilité en prévenant les autorités et en contenant le dommage.»

Pour Arnaud Gossement, porte-parole de la fédération d’associations environnementales France nature environnement (FNE), le texte est une «usine à gaz» inapplicable. Il prévoit par exemple que le dommage causé à une espèce s’appréciera selon «les données relatives à la dynamique des populations de cette espèce». Le porte-parole prévoit d’ores et déjà des batailles d’experts devant le juge, et des expertises longues et coûteuses qui ne seront pas à la portée des petites collectivités.

Devant la complexité et la nouveauté du texte, le Meeddat prévoit d’adresser un «éclairage» aux préfets pour les aider à en prendre connaissance. Et n’exclut pas «quelques retouches» à l’avenir.

(1) Décret n° 2009-468 du 23 avril 2009 relatif à la prévention et à la réparation de certains dommages causés à l’environnement
(2) Sous réserve de la parution prochaine d’arrêtés d’application
(3) Loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement
(4) Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux

Auteur : par Victor Roux-Goeken, JDLE

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