L’amiante fait courir un risque pour un travailleur de 3,3 cas de cancers supplémentaires pour 1000 travailleurs exposés : tel est le constat de l’Afsset. Dans la lignée d’un rapport publié en février, l’Agence demande cette fois au Ministère du Travail d’appliquer ses recommandations. En particulier, celle visant à abaisser la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP). « Ces recommandations vont dans le sens de la protection de la santé des individus et préconisent des méthodes de mesures plus fiables et plus précises », estime Alain Bobbio, secrétaire national de l’ANDEVA, association nationale de défense des victimes de l’amiante.
Des salariés encore exposés
Interdite en France depuis 1996, l’amiante continue de faire des dégâts. 100 000 personnes par an meurent encore dans le monde du fait de cette substance cancérogène, selon les estimations de l’Organisation internationale du travail (OIT). En France, le nombre de décès pourrait s’élever à plus de 10 000 chaque année. A l’association SOS amiante, le standard téléphonique ne désemplit pas : « Nous recevons chaque jour cinq à six dossiers de salariés retraités exposés à l’amiante il y a une trentaine d’années, mais aussi, des ayants droits des victimes », explique son Président, le docteur Dominique-Michel Courtois. Le secteur du BTP (rénovation, maintenance) se révèle très exposé. Les travailleurs les plus vulnérables ? Les chauffagistes, les électriciens, les peintres, les couvreurs… «Beaucoup de demandes émanent de salariés qui se plaignent de la négligence de leurs employeurs en matière de prévention et de formation du personnel », rapporte le Président de SOS amiante.
Peu de contrôles effectifs
Le cadre légal auquel doit se conformer les employeurs est pourtant clair. Un décret du 30 juin 2006 a introduit de nouvelles règles pour la protection des salariés contre les risques liés à l’exposition aux poussières d’amiante (fixation d’une valeur réglementaire, tenue d’une fiche d’exposition individuelle pour les salariés, obligation de certification de qualification des entreprises réalisant des travaux de confinement etc.). Les entreprises soucieuses de prévention ont par ailleurs la possibilité de recourir à un expert agrée par le Ministère du travail pour réaliser un diagnostic, en vertu de l’article 4612-14 du Code du travail. Tout est passé au crible : dossier technique amiante, évaluation du risque chimique et CMR (cancérogène, mutagène et/ou reprotoxique), rapport de repérage des matériaux amiantés, mesures de protection etc. « Ce repérage exhaustif effectué, l’expertise permet d’établir des niveaux d’exposition afin d’organiser au mieux le suivi médical des salariés et, en cas d’action en justice, de fournir des éléments étayés dans leur dossier », explique Patricia Mouysset, experte en risques industriels à Technologia (risques professionnels). Sur le terrain, respect de la réglementation et prévention sont cependant loin d’être la règle. « Il est souhaitable de voir la réglementation se renforcer, en particulier dans le secteur de la déconstruction où exercent beaucoup de petites entreprises sous-traitantes ; c’est là où les problèmes peuvent encore se poser », estime Jean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT. « L’abaissement des seuils d’exposition à l’amiante ne règlera pas tout, renchérit Alain Bobbio. Il faut aussi renforcer les contrôles et les sanctions sur le terrain ! » Et c’est justement là où le bât blesse. « S’il n’y a pas un renforcement des moyens d’enquêtes, les premiers procès risquent de n’aboutir qu’en 2014 », déplore le Président de l’Andeva.
Des procès qui tardent
Au plan judiciaire, des milliers de procédures d’indemnisation sont aujourd’hui engagées au civil, au titre de la « faute inexcusable » de l’employeur. Mais le montant de la réparation n’est pas toujours à la hauteur du préjudice subi… « Il faut renchérir le coût de la réparation pour inciter les employeurs à faire de la prévention », insiste maître Michel Ledoux, avocat en droit social spécialisé dans les affaires d’hygiène, santé et sécurité au travail. Au plan pénal, sur la quarantaine d’entreprises poursuivies, aucune plainte n’a encore abouti. Des mises en examen ont cependant été prononcées contre des dirigeants et des médecins du travail (chez Valéo, Eternit, au port autonome de Dunkerque). Plus exemplaire, celle prononcée le 24 novembre contre Joseph Cuvelier, l’ancien dirigeant, de 1971 à 1994, d’Eternit, premier groupe d’amiante-ciment. Il s’agit d’une première puisque jusque là, seuls les dirigeants d’établissements ont été inquiétés. De quoi redonner espoir aux victimes et aux ayants-droits de voir aboutir, enfin, le premier procès pénal de l’amiante : « Ce sera un procès à visée pédagogique pour montrer l’ampleur du désastre sanitaire et faire en sorte qu’il ne renouvelle pas », estime maître Michel Ledoux.
Auteur : Marie-José Gava, Novethic
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