L’explosion qui a eu lieu dans l'usine de conditionnement de chlore Gazechim, située sur la zone industrialo-portuaire de Lavera près de Martigues (Bouches-du-Rhône) a causé la mort d’un employé jeudi 6 janvier, et en a blessé un autre. L'usine conditionne du chlore liquide en bouteilles, destinées au traitement de l'eau. C'est lors d'une opération de contrôle que l'une d'elles aurait explosé, sans que les causes précises soient actuellement établies. L'explosion a également endommagé une canalisation et provoqué des dégagements de chlore liquide et gazeux dans le bâtiment. En 2009, une série d'incidents sur le complexe pétrochimique de Lavera avaient fait deux brûlés notamment et nécessité un arrêt de la plate-forme, entraînant une polémique sur la sécurité de l'ensemble des installations industrielles de la zone. Cet accident porte à au moins 12 le nombre d'explosions survenues dans des usines en France depuis 2007, rappelle l’AFP. En avril 2010, l'une d'elles avait fait un mort et 12 blessés dans une usine du groupe Carbone-Lorraine à Gennevilliers (Hauts-de-Seine). La plus grave à ce jour reste celle de l'usine chimique AZF à Toulouse, en 2001, qui avait fait 30 morts et plus de 3000 blessés.
Quelle protection pour les riverains ?
Une loi ambitieuse avait été adoptée en juillet 2003 pour prévenir les risques industriels, protéger les employés et les riverains, mais, 10 ans après la catastrophe AZF, la situation sur le terrain semble avoir peu évolué. Par ailleurs, la France compte seulement 1200 inspecteurs pour 500 000 installations classées, dont 1200 Seveso.
France Nature Environnement, qui participait avec d’autres associations à l’instance nationale de suivi des Plans de Prévention des Risques Technologiques (PPRT), a quitté cet organisme fin décembre pour dénoncer le recul du gouvernement en matière de protection des riverains des sites Seveso. « Le 21 septembre 2011 marquera les 10 ans de la catastrophe de Toulouse. Depuis ce drame, toute une politique, déjà très en retard, a été menée pour identifier, scénariser ces accidents technologiques et définir les zonages... L’étape suivante reste la traduction concrète de tout ce travail d’étude par la conduite des travaux dans les maisons [des riverains] », soulignait Marc Sénant, coordinateur du réseau risques industriels à FNE. Or, les aides publiques promises pour la sécurisation des habitations, adoptées lors de la loi Grenelle, ont largement été amputées lors du vote de la loi de finances pour 2011 ; laissant ces riverains dans une situation de « pollués/payeurs ». « Beaucoup de propriétaires ne pourront trouver l’argent nécessaire. Une très grande partie de cette politique risque de rester sur le papier, c’est très grave pour la sécurité de ces populations. », prédisait Marc Sénant.
Alors que « l’après AZF » avait abouti à créer un crédit d’impôt pour inciter les habitants à aménager leurs habitations -40 % de la facture totale des travaux- , le gouvernement l’a réduit, d’abord à 15 % à l’Assemblée, puis finalement à 25 % au Sénat. « Les riverains, ainsi abandonnés, sont condamnés à payer une facture qui peut facilement atteindre 15 000 euros par foyer, souligne l’association. Des mois de travail avec les élus, les associations locales, les industriels et l’Etat pour qu’au final, sous couvert de niche fiscale, cette aide de l’Etat soit rabaissée à 25 % ». Et FNE de craindre que les industriels et les collectivités locales suivent le même processus de désengagement…
Un désengagement d’autant plus critiqué que les victimes potentielles d’accidents industriels sont tenues de sécuriser leur habitat, et de procéder aux travaux imposés par l’Etat…faute de quoi elles seront tenues responsables des dommages. D’autre part, rappelle FNE, « les habitants de zones Seveso sont des populations plutôt dévaforisées, ouvriers ou anciens ouvriers du site. Leur demander de régler l’addition, c’est prendre le risque de ne jamais voir les travaux réalisés».
Renforcement de la Directive Seveso 2 et de l’information du public
La Commission européenne a présenté le 21 décembre dernier son projet de révision de la directive Seveso 2, incluant des normes plus strictes en matière d'inspection et de sécurité des installations et renforçant l'obligation d’information du public, afin d’être conforme à la « Convention d’Aarhus » sur l'accès à l'information en matière d'environnement. L'article 7 de cette nouvelle version stipule par ailleurs que ''tous les établissements doivent disposer d'une politique de prévention des accidents majeurs proportionnée aux dangers''. Les exploitants devront désormais transmettre aux autorités leur politique de prévention des accidents majeurs, qui sera mise à jour « au moins tous les cinq ans ». Les informations devront également porter sur les établissements voisins, afin d'éviter l'effet domino. Pour limiter cet effet, les autorités compétentes devront de leur côté recenser ''les établissements dont la proximité est telle qu'elle accroît les conséquences d'un accident majeur'', le but étant de garantir ''l'échange d'informations entre les exploitants et les établissements voisins, y compris ceux qui ne relèvent pas de la directive''. Les établissements les plus « à risques» devront planifier les situations d'urgence, et consulter le public sur ces plans d'urgence selon les principes de la convention d'Aarhus. L'article 22 permet également au public et aux ONG de porter plainte si l’obligation d’information n’est pas respectée par l’entreprise. La nouvelle directive devrait entrer en vigueur en 2015.
Auteur : Véronique Smée, Novethic