Pendant quelques semaines, la saison dernière, Alain s'est promené dans ses vignes et sur les marchés où il commercialisait son vin avec un oeil au beurre noir. Non pas qu'il ait activement participé à une rixe avec l'un de ses voisins de terre ou de stand mais tout simplement parce qu'il s'est pris un retour de sarment dans l'oeil.
Alors en novembre, lorsqu'il a reçu le communiqué de la Mutuelle Sociale Agricole, il ne s'est pas fait prier pour aller s'acheter une paire de lunettes. Pas des doubles foyers pour mieux repérer les porteurs les plus judicieux qu'il choisit d'instinct au moment de la taille depuis de nombreuses années, mais juste des lunettes pour se protéger des retours de "vises" comme il se dit dans le jargon de nos campagnes. "J'ai reçu un courrier de la MSA qui m'apprenait que les sarments dans les yeux étaient l'une de leur première cause d'accident dans la région pendant l'hiver. Comme j'en avais déjà fait l'expérience, je suis allé m'acheter une paire de lunettes dans l'un des magasins qui était précisé. En même temps, j'ai pris une paire de gants. Des mesures finalement simples et efficaces de protection, pour moins de 20 €". Du côté de la caisse départementale vauclusienne de la Mutuelle Sociale Agricole, la décision d'envoyer ce courrier aux viticulteurs fait suite à une longue enquête d'investigation. "Suite à une étude faite auprès de cent viticulteurs pendant deux ans dans le Languedoc, nous avons isolé certains critères afin de travailler avec des fabricants puis de solliciter des réseaux de distributions, explique François, l'un des conseillers clientèle du service prévention des risques professionnels auprès de la MSA. Ces lunettes, à verres neutres, sont réglables afin de s'adapter parfaitement à la morphologie du visage du tailleur. Les branches sont étirables avec des crans". Les coopératives d'approvisionnement, la chaîne Prodia et quelques autres possèdent aujourd'hui ces produits en rayon.
Les agriculteurs n'ont pas encore tous pris le réflexe mais, comme le sécateur électrique accroché à la ceinture, les lunettes devraient se généraliser dans les années à venir. "10% de nos déclarations d'accidents en période de taille concernent des cas de sarments ou de branches dans les yeux. Nous avons également beaucoup de TMS (Troubles musculo-squelettiques). Les arboriculteurs prennent plutôt des coups au visage mais pour les viticulteurs, les extrémités des sarments rentrent dans l'oeil et cela peut être grave. Nous savons que des lunettes plus adaptables sont davantage portées par les tailleurs. Pour ce qui est des résultats concrets de la campagne, c'est très difficile à évaluer. Mais peu à peu, il pourrait y avoir une baisse des accidents," ajoute notre interlocuteur de la MSA qui travaille actuellement sur l'optimisation de l'utilité des masques, des combinaisons et des gants lors de la manipulation des produits phytosanitaires.
Tout simplement, dans tous les sens du terme, protégeons cette espèce en voie de disparition dans les campagnes: les agriculteurs. Auteur : Bernard SORBIER, La Provence
Continuer avec Linkedin