Quels produits fabriquez-vous à Euriso-top ?
Frédéric Robert : Euriso-top est une PME du secteur de la chimie fine. Elle produit et commercialise des molécules marquées aux isotopes stables (solvants deutériés et tubes pour la RMN -résonance magnétique nucléaire-, gaz et métaux isotopiques, molécules destinées aux essais cliniques, traceurs...). Les domaines d'utilisation sont multiples (analyse, recherche, domaine médical, agronomie, répression des fraudes...).
A quelles difficultés êtes-vous confrontés concernant le nouvel étiquetage des produits chimiques ?
Frédéric Robert : Tout d'abord, en tant que PME, nous n'avons pas de service dédié qui gère la problématique de l'étiquetage, contrairement à certains groupes qui ont su gérer cette problématique de façon globale. De la même façon, certains industriels qui sont fédérés en associations professionnelles (la FIPEC par exemple, fédération des industries des peintures, encres, couleurs, colles et adhésifs) ont pu mettre en place des solutions collectives. Malheureusement en chimie fine et dans le secteur du marquage isotopique, il y a très peu d'échanges entre industriels. A l'inverse de certains groupes où les sites de production peuvent être chacun concernés par un nombre limité de produits, chez Euriso-top nous commercialisons 3000 références, soit environ 2500 produits différents dont beaucoup de produits dangereux, couvrant de nombreuses familles de produits chimiques (acides, bases, solvants, sucres, acides aminés, …) sous les trois formes (gaz, solide, et liquide), et de 0,5 mL jusqu'à 220 litres. Nous avons donc toutes ces « combinaisons » à étiqueter, et cela dans un délai assez court pour répondre à la réglementation (nécessitant une notification préalable pour les substances dangereuses !), ce qui est complexe.
En pratique, comment se met en place le nouvel étiquetage à Euriso-top ?
Frédéric Robert : En réalité, nous avons été étonnés de ne pas trouver de solutions techniques sur le marché. Les prestataires imprimeurs/étiqueteurs nous répondant qu'ils n'avaient pas eu de demandes du secteur de la chimie et certains découvrant même l'existence de REACH et du nouvel étiquetage CLP. Nous avons donc dû trouver nous-mêmes des solutions avec eux. Mais les problèmes techniques pour respecter l'impression en deux couleurs rouge et noir - sans avoir à gérer un nombre d'étiquettes vierges trop important dû à la présence de 0, 1, 2, 3 voire 4 pictogrammes - sont nombreux et les prestataires du secteur ne semblent pas avoir anticipé la demande. Il existe des imprimantes multicolores sur le marché, mais en plus de leur coût élevé, certaines sont encore en développement à l'heure actuelle. Nous avons finalement développé une solution d'étiquetage avec notre étiqueteur afin d'être opérationnels rapidement.
La question de la place sur les étiquettes est également problématique. Comment est-elle réglée ?
Frédéric Robert : Nous sommes en effet aussi confrontés à un problème de manque de place sur les étiquettes. Etiqueter des fûts de 220 litres ne pose pas de problèmes, en revanche lorsque l'on travaille sur des petits contenants tels que des ampoules de 2 mL (étiquettes de 33 mm x 18 mm), il est impossible d'écrire intégralement toutes les informations requises par la réglementation en plus de nos données propres (logo, adresse, nom du produit, code article, numéro de lot, quantité conditionnée, pictogrammes avec la mention de danger, phrases H, P et EUH,...). Nous nous basons donc sur la dérogation pour les petits contenants prévue à l'article 29 du règlement CLP (dans les cas de contenances inférieures à 125 ml, il est possible de ne pas faire figurer certaines mentions de danger et conseils de prudence). Nous avons donc choisi de faire figurer seulement le nom de la substance, les pictogrammes et les numéros de phrases sur l'étiquette de l'ampoule, et rajoutons les autres informations sur l'étiquette du suremballage (boîte carton). Quant à la solution consistant à utiliser des « étiquettes-accordéon », cette dernière est très difficile à mettre en place en pratique à notre niveau, tant pour des raisons de coûts que pour des raisons techniques (machines spéciales de pose, etc.…).
Avec une telle évolution réglementaire, et des modifications techniques lourdes en pratique, il aurait été intéressant d'avoir des solutions d'étiquetage développées en partenariat avec les institutions (ECHA, UIC) pour l'ensemble des acteurs du secteur.
Auteur : Par Marianna Reyne, actuEL-HSE
Sur le même sujet : "Classification, étiquetage : le règlement CLP est modifié", par Sophie Hoguin, actuEL-HSE.