En Norvège, les ministres de la Justice et de la famille quittant leur poste ont fait la Une des journaux le mois dernier. Leur fait d’armes ? Prendre sans remords et avec le sourire les 10 semaines de congé parental qui leur incombe…Impensable en France où l’on se souvient davantage de la reprise express de l’ancienne garde des sceaux Rachida Dati, quelques jours seulement après son accouchement… « Nous partons du fait que personne n’est irremplaçable, pas même un ministre ! », explique Anne Galland, du ministère norvégien de l’enfance, de l’égalité et de l’inclusion sociale qui intervenait lors d’un colloque sur « l'implication des hommes dans les politiques d'égalité professionnelle » organisé par l'Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) et le Medef. En Norvège en effet, le gouvernement s’est intéressé très tôt à l’implication des pères dans la vie familiale pour promouvoir l’égalité homme-femme, notamment au travail. Voté en 1977, le partage du congé parental n’a pourtant pas eu l’effet escompté à ses débuts, ne convainquant que 2% des pères jusque dans les années 1990. Mais plusieurs groupes de travail lancés au début de cette décennie sur le rôle des hommes ont finalement porté ses fruits. En 1993, la mise en place de quotas de semaines réservées aux pères et perdues dans le cas où ils ne le prendraient pas, a par exemple considérablement changé la donne. Aujourd’hui, 90% des pères prennent les 10 et bientôt 12 semaines qui leur sont réservées, sur les 44 semaines prises en charge à 100% par le congé parental ou les 54 remboursées à 80% !
Les pères européens incités à prendre des congés
Une idée qui se propage de plus en plus. Ainsi en Angleterre, où le Premier ministre David Cameron s’est lui aussi distingué l’an dernier en prenant deux semaines de congé à la naissance de son petit dernier, le congé parental devient plus flexible ; par exemple à partir d’avril, le père pourra ainsi reprendre le congé maternité de la mère dans le cas où elle souhaiterait reprendre le travail plus vite. Plus radicale, l’Espagne vient elle d’instaurer un congé paternité conséquent et non transférable. En Allemagne, où les politiques d’égalité ont longtemps visé exclusivement les femmes, le gouvernement a instauré en 2007 le partage du congé parental établi à 65 % du revenu sur 14 mois. S’ils veulent avoir la totalité des 14 mois, les parents doivent se répartir le congé en 12 et 2 mois. Résultat : « Il est devenu normal de prendre un congé si l’on est père », estime Christian Hoenisch, de la division politique d’égalité entre les sexes pour les hommes et les garçons du ministère allemand de la famille, des seniors, des femmes et de la jeunesse. Une « normalité » qui doit encore tout de même être confortée, sachant que 20 % de ceux qui touchent l’allocation sont des pères, et seulement 7% sont les bénéficiaires des 12 mois.
Mais il faut aller « doucement », estime de son côté Christian Hoenisch, car il existe encore « des craintes de la part de femmes qui ont peur que cela ne se fasse à leur détriment et une attitude défensive de la part de certains hommes qui y voient une possibilité de repousser le féminisme. » On pense ainsi aux mouvements « masculinistes », nés en réaction aux avancées du féminisme, et qui sont particulièrement virulents au Québec…Mais sans aller jusque là, les obstacles culturels restent une vraie barrière à cette reconnaissance du rôle de la paternité dans la vie professionnelle. Car si, comme le montre un rapport du Sénat sur les congés parentaux en Europe (voir document lié), le congé de paternité s’allonge et se généralise, les pères sont loin d’utiliser ce droit autant qu’ils le pourraient…
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Auteur : Béatrice Héraud, Novethic.