Être policier aujourd’hui, c’est faire l’apprentissage du sentiment d’impuissance, de frustration, parfois de colère. A l’image de certains salaries du privé, les fonctionnaires de police souffrent eux aussi d’un rétrécissement de leur espace d’épanouissement professionnel. Les crises suicidaires traduisent alors souvent dans leur fatalité un niveau élevé de risques psychosociaux. LGO donne la parole à Jean-Claude Delgenès, Directeur général de Technologia, un grand habitué des questions de sécurité au travail, déjà auteur d’une étude sur les conditions de travail des journalistes à paraître bientôt.
Être policier aujourd’hui, c’est faire l’apprentissage du sentiment d’impuissance, de frustration, parfois de colère. A l’image de certains salaries du privé, les fonctionnaires de police souffrent eux aussi d’un rétrécissement de leur espace d’épanouissement professionnel. Les crises suicidaires traduisent alors souvent dans leur fatalité un niveau élevé de risques psychosociaux.
La Police Nationale a connu à plusieurs reprises des pics suicidaires élevés. Plus particulièrement en 1996, où une vague importante de suicides a été constatée. Cette année-là, environ 70 décès ont été recensés. En 2008, à nouveau, on a compté 50 suicides dans l’année pour un effectif d’environ 145.000 policiers relevant du ministère de l’Intérieur : un taux de 35 pour cent mille qui représente une surmortalité par rapport à la population générale.
Il est difficile d’évaluer précisément l’incidence d’un contexte personnel ou professionnel dans un passage à l’acte suicidaire. Mais il est important de pouvoir estimer les liens existants entre le cadre professionnel et la situation personnelle. C’est pour cela que l’augmentation du nombre de suicide chez les policiers a provoqué une forte demande de prévention de la part de l’ensemble des acteurs du dialogue social : la direction, les services de santé au travail et, au premier chef, les représentants du personnel.
Et pourtant, tout concourt à masquer cette réalité. Chacun fait comme si les policiers relevaient de forces anonymes, disponibles ou mobilisables au gré des besoins politiques. Il est vrai que la présidentielle de 2012 est déjà en ligne de mire. Avec cet événement majeur réapparaissent des stratégies politiques consistant à mettre en avant les problèmes de sécurité pour tenter d’infléchir le vote des citoyens. Les séquences médiatiques sécuritaires se succèdent et questionnent les moyens mobilisés pour assurer l’ordre social. Chaque force politique avance son projet.
Il n’y a qu’un problème à cette situation : on oublie le plus souvent de poser une question pourtant centrale. Celle du moral ou du mal-être des personnes en charge de cet ordre public, policier et gendarmes. Or, ces corps de fonctionnaires sont aujourd’hui traversés par une forte progression des risques psychosociaux. Tentons alors d’en démêler les causes. Et d’évaluer le rapport qu’entretiennent les policiers avec leur travail.
Auteur : Jean-Claude Delgenès, Directeur général de Technologia sur Les Grandes Oreilles.