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Dans les drives, ces jeunes travailleurs inaptes avant d'avoir fini leurs études

Classé dans la catégorie : Risques pour l'Homme au travail

Inquiet de devoir mettre en inaptitude des salariés de drives âgés de moins de 25 ans, un groupe de médecins du travail s'est constitué dans le Nord-Pas-de Calais pour récolter de l'information sur le sujet.

Ils en ont tiré une étude qui permet de mieux comprendre l'apparition de TMS chez ces jeunes.

En 2015, en France, il s’ouvre 1,2 "drive" par jour, ces points de livraison adossés aux supermarchés pour des commandes de produits alimentaires effectuées sur Internet. C’est moins que les années précédentes, néanmoins l’activité de ces hangars où l’on passe récupérer ses courses en voiture progresse, selon une récente étude de la Fevad (fédération de l'e-commerce et de la vente à distance). Ils sont donc loin de fermer leurs portes, bien au contraire. Mais ce n’est pas tant la prolifération de ces structures qui a poussé un groupe de médecins du travail du Nord-Pas-de-Calais à enquêter sur le sujet en 2013. C’est plutôt un constat commun : "Des travailleurs de 22 ou 23 ans, souvent étudiants, qui se retrouvent avec des TMS (troubles musculo-squelettiques), et pour qui l'on doit établir des inaptitudes sur les postes de travail", raconte Ariane Leroyer, médecin du travail et enseignante à l’université de Lille. Elle a coordonné l’enquête menée dans la région dans le cadre du dispositif Evrest (voir encadré), et dont les conclusions ont été rendues publiques fin 2014.

Une majorité de salariés jeunes

Les jeunes de moins de 25 ans représentent très exactement 50 % des effectifs des drives étudiés. Il s’agit généralement d’étudiants, en CDI à temps partiel (parfois quelques heures par semaine), travaillant pour financer leurs études. "Les autres salariés, généralement minoritaires, sont le plus souvent issus des magasins auxquels sont associés les drives", précise l’enquête. Leurs tâches : accueil du client, approvisionnement des stocks, préparation et livraison de commandes avec un terminal au poignet ou avec un pistolet scan. Comme les autres salariés du commerce et de la distribution, ils sont exposés à des contraintes physiques (station debout, postures contraignantes, efforts et ports de charges lourdes, gestes répétitifs et importants déplacements à pied…). Mais de façon plus intensive.

Deux fois plus de TMS des membres supérieurs

L’ergonome de l’équipe de recherche a identifié cinq situations de travail plus spécifiques aux drives et potentiellement pathogènes : la préparation des commandes (sur deux sites / en une seule fois / avec un caddie classique), la prise de référence dans les racks de stockage dans une zone peu confortable et le sentiment d’insécurité dans la zone de livraison. À partir de là, et en prenant en compte d’autres facteurs, les médecins dressent plusieurs constats. Ils observent davantage de plaintes chez les travailleurs des drives que chez les autres salariés du commerce pour des douleurs des membres supérieur (30 % contre 15 %), des membres inférieurs (25 % contre 10 %) et dorso-lombaires (50 % contre 20%). Alors qu’ils sont globalement bien plus jeunes.

Pas de maintien dans l'emploi

Confrontée sur le terrain à ce type de constat, Claude Buisset, médecin du travail ayant participé à l’enquête explique par ailleurs qu’il était "très difficile de maintenir les gens dans leurs postes dans les drive" : "aucun aménagement de poste n’est possible", ajoute-t-elle sur la base de ses expériences. Ariane Leroyer confirme. Pour les jeunes salariés souffrant de TMS, "rien n’est fait pour les maintenir dans l’emploi". L’emploi en question exigeant une "certaine condition physique", complète sa consœur. Elle note d’ailleurs que "beaucoup des jeunes salariés rencontrés étudient le sport à l’université" (Staps, sciences et techniques des activités physiques et sportives). Un cursus compliqué à boucler quand l’on doit composer avec des TMS, estime-t-elle.

Une forte pression temporelle

Il y a un autre facteur important à prendre en compte lorsque l’on se penche sur la santé des travailleurs des drive, pour les deux praticiennes : le fait que le client soit dehors, dans sa voiture, et qu’il attende le service. "Cela change tout", par rapport à un supermarché ou un commerce plus classique, estime Ariane Leroyer. Car cela entraîne une "pression temporelle plus accrue", d’autres contraintes de travail qui amènent plus de stress et de fatigue. Selon l’enquête menée dans le Nord-Pas-de-Calais, 54 % des salariés des drives signalent des "difficultés liées à la pression temporelle" (contre 33 % des employés de commerce). 30 % d’entre eux estiment régulièrement "traiter trop vite une opération qui demanderait davantage de soin" (contre 19 % des employés de commerce). Le tout à des horaires souvent décalés ou irréguliers, signale l’étude.

Plus d'organisation, moins de pression

Autre élément qui peut participer à l’impression de forte pression temporelle, d'après Ariane Leroyer : "Certains drives, ou certaines enseignes classent les salariés les plus performants, au sein de la structure ou de l’enseigne : c’est à celui qui récupérera tous ses articles dans le temps le plus faible". Claude Buisset cite quant à elle une autre étude dans laquelle "on a mis en évidence que plus le drive a de bons résultats économiques, et plus le drive a des problèmes de santé". Toutefois, les deux praticiennes reconnaissent que certains drives "s’organisent" pour faire baisser la pression. "Lorsque les articles sont préparés ou regroupés en amont pour la préparation de commande, par exemple". Mais aucune donnée chiffrée ne permet d’en faire état.

Un manque de données

De même que pour la sinistralité : l’activité drive est souvent incluse dans l’activité du supermarché référent, signale l’étude. "Du côté des logiciels médicaux, l’activité 'drive' n’est pas non plus repérable, ce qui ne permet pas de quantifier le nombre d’inaptitudes portées dans l’année pour les salariés des drives", peut-on y lire. Seule certitude : l'activité des drives ne doit pas arranger les chiffres record de la distribution en matière d'accidents du travail (voir notre article). Par ailleurs, "les salariés ne restent jamais vraiment longtemps dans ces structures", pointe Claude Buisset... Pas étonnant donc qu'il y ait aussi peu d'études sur le sujet. Le groupe de recherches du Nord-Pas-de-Calais a pour sa part passé le relais. La santé des salariés des drives de la région est désormais étudiée par le service interentreprises de la médecine du travail de Lille.

Le dispositif Evrest

Les travaux que les médecins du travail de la région Nord-Pas de Calais ont mené au sujet des drives s’inscrivent dans le cadre d’un dispositif de veille et de recherches, nommé Evrest (évolutions et relations en santé au travail).

Il s'agit plus précisément d'un observatoire pluriannuel, basé sur un questionnaire que les médecins du travail peuvent utiliser pour différentes problématiques de santé, différentes entreprises. Il permet de récolter des données statistiques, mais aussi qualitatives, à partir d'entretiens menés en lien avec le questionnaire (voir notre article).

En l’occurence, des enquêtes Evrest ont été menées en 2013 dans 3 drives de la région Nord-Pas-de-Calais. Leurs résultats, "inquiétants en terme de santé", ont mené les participants au dispositif à creuser le sujet, toujours via une étude Evrest. Objectif : interroger davantage de salariés, faire le lien entre santé et conditions de travail dans les drives, grâce à la constitution d’une équipe pluridisciplinaire (médecins du travail, ergonomes, référents Evrest de la région, chargé de projet, statisticien).

Entre janvier et avril 2014, près de 250 salariés issus de 16 drives de 5 à 41 salariés, toutes enseignes confondues (soit 82 % des salariés des drives en question) ont été interrogés. Les résultats de ce travail a été rendu public en décembre 2014, dans une lettre d’information d’Evrest Nord-Pas-de-Calais que vous trouverez ici.

 

 

 

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