Finalement, au lieu de se glisser dans le projet de loi sur le dialogue social, la réforme de la médecine du travail et de l'aptitude inspirée par les recommandations du rapport remis par le député PS Michel Issindou (Isère) (voir notre article) pourrait se poursuivre "par d’autres voies", a indiqué hier mardi 7 juillet 2015 François Rebsamen. On part donc pour, déclare le ministre du Travail, "la concertation et, je l’espère, un autre projet de loi ou une proposition de loi avant la fin de l’année". Fin mai, avant d'envoyer le projet de loi sur le dialogue social au Sénat, les députés avaient commencé à intégrer au texte plusieurs dispositions.
Ce qui a déjà été adopté
Cinq amendements avaient alors été adoptés, développant l'article 19 du texte. Ces dispositions ont été validées par le Sénat lors de sa première lecture. Elles prévoient de :
- dispenser l'employeur de son obligation de reclassement lorsque le médecin du travail indique dans son avis qu'un reclassement dans l'entreprise "serait gravement préjudiciable" à la santé du salarié ;
- libérer les médecins des visites médicales d’aptitude prévues pour l’ensemble des salariés et les réserver aux postes à risque, une notion qui doit être définie par décret ;
- et donc de prévoir une "surveillance médicale spécifique, renforcée" pour les salariés "affectés à des postes présentant des risques spécifiques pour la santé et à des postes de sécurité" ;
- qu'en cas d'adaptation du poste de travail, par exemple, le "médecin du travail recherche le consentement du salarié sur les propositions qu’il adresse à l’employeur" et que l’employeur soit mieux accompagné pour mettre en œuvre les préconisations du médecin du travail ;
- mieux informer le CHSCT ou les délégués du personnel des préconisations collectives faites par le médecin du travail.
Les victimes de "l'entonnoir"
Michel Issindou comptait bien faire passer de nouveaux amendements pour aller plus loin lors de la 2e lecture par l'Assemblée nationale, qui a débuté hier en séance publique. Il voulait via un premier amendement que soit clarifié le fait qu'un refus d'adaptation de poste par le salarié fonde un licenciement pour cause réelle et sérieuse. Concernant les travailleurs de nuit, estimant que leur surveillance médicale est "chronophage dans un contexte de forte raréfaction de la ressource médicale", le suivi semestriel dont ils bénéficient actuellement devait être supprimé, ainsi que l'examen préalable à l'affectation à un poste de nuit. Il s'agissait aussi notamment d'acter le fait que l'équipe pluridisciplinaire se charge du premier entretien devant amorcer le suivi médical de tout salarié – ce qui doit remplacer la visite médicale d'embauche – en détaillant les moyens d'action qui lui sont donnés. Mais ces amendements ont été victimes de "l'entonnoir".
Il y avait "de vraies avancées à faire"

Après une première lecture dans les deux chambres, les amendements lors du nouvel examen doivent être "en relation directe avec une disposition restant en discussion", explique l'Assemblée nationale. Ce qui n'est pas le cas ici, puisque les sénateurs ont adopté cette partie du projet de loi dans les mêmes termes – à quelques détails rédactionnels près – que les députés. François Rebsamen indique que le gouvernement aurait soutenu ces amendements et "regrette [qu'ils] ne puissent être examinés en séance, en raison d’une lecture très stricte de la règle de l’entonnoir". Il y avait selon lui "de vraies avancées à faire". Une situation qui devrait cependant satisfaire le Coct (conseil d'orientation sur les conditions de travail).
Le Coct a engagé des travaux
Le 11 juin, le Coct a annoncé engager des travaux sur la question de l’aptitude, voulant "l'inscrire dans un cadre plus large, portant sur l’avenir de la médecine du travail". Les partenaires sociaux de l'instance remettront au ministre du Travail, disent-ils dans un communiqué, des "orientations pour la médecine du travail", dans le cadre de la "concertation" sur la réforme, "qui sera menée dans le prolongement des discussions actuellement en cours au Parlement".
Auteur : Par Élodie Touret, actuEL-HSE.
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