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"Le nouveau serf, son corps et nos fruits et légumes", par Frédéric Decosse

Classé dans la catégorie : Risques pour l'Homme au travail

En faisant appel à une force de travail temporaire et étrangère, l’agriculture intensive méditerranéenne organise l’invisibilisation des atteintes et des risques professionnels subis par les saisonniers migrants, ainsi que leur externalisation pure et simple vers les pays d’origine.

Autopsie d’une nouvelle division internationale des risques du travail et de certaines de ses dramatiques conséquences humaines : des maladies professionnelles non reconnues, des affections de santé invisibles...

En faisant appel à une force de travail temporaire et étrangère, l’agriculture intensive méditerranéenne organise l’invisibilisation des atteintes et des risques professionnels subis par les saisonniers migrants, ainsi que leur externalisation pure et simple vers les pays d’origine. Autopsie d’une nouvelle division internationale des risques du travail.

Abdellatif est ouvrier dans les serres de Campo-Hermoso, ancien village de colonisation franquiste du Levante, dans la plaine d’Almeria, au sud-est de l’Andalousie. Avec une vingtaine d’autres Marocains, la plupart sans-papiers, il vit en marge du bourg, dans un « cortijo-chabola », c’est-àdire un vieux baraquement en dur, défoncé et rafistolé à grand renfort de plastique et carton : l’habitat typique des travailleurs migrants de cette zone d’agriculture intensive du sud de l’Europe. C’est un ancien saisonnier OMI. Pendant quatorze ans, il est venu en France en famille, avec sa femme et son frère, dans la région d’Auxerre. Quatre mois chaque année à ramasser les cornichons, payé à la tâche. En 2004, son patron fait faillite : Abdellatif perd son emploi et toute possibilité de séjourner et travailler légalement en France. Heureusement, il s’est aménagé une porte de sortie : depuis 2002, il travaille également en Espagne, de telle sorte qu’il a obtenu sa carte de résidence au bout de trois ans.

Le boulot dans les serres, Abdellatif le connait bien : « Le matin on va au travail à pied. Il faut marcher 10 à 15 km. Dans la serre, on étouffe à cause de la chaleur. 10 à 15° de plus que dehors. À El Ejido l’an dernier, un Marocain est mort à cause de ça. Et puis, l’atmosphère est suffocante avec l’humidité et les "venenos" poisons. Je ne pourrais pas dire avec quels produits je traite parce que c’est le patron qui fait la préparation et qu’il en utilise beaucoup. Ce n’est pas un agriculteur, plutôt un pharmacien. On traite sans aucune protection. Avec un pulvérisateur qu’on charge sur notre dos. Le patron ne donne ni combinaison, ni masque, ni gants… Rien ! Si tu en demandes, il t’envoie balader. Il ne veut rien dépenser pour ça. Il dit qu’il n’a pas d’argent pour en acheter. Pas de savon pour se laver non plus, pas d’eau pour boire, pas de local pour manger. On est des esclaves. On nous traite comme des animaux. Le soir, j’ai mal à la tête, ça tourne. Mes yeux et mon nez coulent. La gorge me pique. J’éternue et j’ai du mal à respirer. Des fois, j’ai la diarrhée, je vomis. Ça dépend du produit. »

Dans les serres de Berre l’Étang dans les Bouches-du- Rhône, l’ensemble des saisonniers enquêtés rapportent les mêmes symptômes, témoignant d’une intoxication aux pesticides, telle que décrite dans le tableau de maladie professionnelle en maladie professionnelle puisque la Mutualité sociale agricole reconnaît chaque année moins d’une dizaine de maladies liées à l’exposition professionnelle aux pesticides pour l’ensemble des actifs agricoles. Le chemin de la reconnaissance est un véritable parcours du combattant pour un exploitant ou un salarié français, alors pour un travailleur étranger, qui plus est enfermé dans un statut temporaire…

L’enquête « Surveillance médicale des risques » (SUMER) menée par le ministère du travail en 2003 confirme que 53 % des salariés de la production agricole sont exposés à des produits chimiques dans leur activité professionnelle et 20 % à des cancérogènes. Parmi eux, les pesticides, les produits de nettoyage des serres souvent à base de formol, mais aussi les gaz d’échappement des engins agricoles… Et il s’agit là d’une estimation basse. En effet, l’enquête est basée sur les observations des médecins du travail qui ne voient presque jamais les « saisonniers OMI » dans la mesure où la visite d’embauche leur est rarement proposée. En témoigne la faible proportion d’étrangers dans l’échantillon.

Un processus de « délocalisation sur place »

Or, les saisonniers étrangers sont présents dans les secteurs les plus intensifs : dès lors qu’une zone agricole se spécialise et s’industrialise, en bref intensifie sa production, se mettent en place des canaux efficaces de recrutement de main-d'œuvre allogène, seule force de travail susceptible d’accepter les conditions de rémunération et de travail proposées...

Lire la suite de l'article sur le site du Gisti : http://www.gisti.org/spip.php?article1286

Source :

  • Cet article est extrait du n° 78 de la revue Plein droit (octobre 2008) "Saisonniers en servage"
  • Article "Le nouveau serf, son corps et nos fruits et légumes"
  • par Frédéric Decosse - Doctorant en sociologie (EHESS/IRIS)

En savoir plus : http://www.gisti.org/spip.php?article1237

Auteur : Par Denis Lebioda, contaminations-chimiques.info ; vous pouvez trouver ce numéro de Plein Droit :

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