Ils soulignent notamment que les patrons de PME et de TPE sont, en raison de leurs fonctions, exposés à des risques spécifiques que la société et eux-mêmes devraient mieux évaluer pour les prévenir, comme on le fait déjà pour les travailleurs salariés. Voici quelques exemples de ces risques.
1. Stress, dépression et burnout
“Le vague à l'âme, le blues, la dépression et le burnout n'affectent pas que les salariés”, écrit Olivier Torrès. Selon une enquête réalisée par l'Insee en 2003, “la prévalence de dépression pour les hommes de la catégorie sociale artisans/commerçants/chefs d'entreprise était de 13,6 %, tandis que la prévalence de dépressivité chez les cadres et professions intellectuelles supérieures s'établissait à 7,8 %, soit presque deux fois moins”. Yosr Ben Tahar, chercheuse à Sup de Co Montpellier Business School et Mathieu Rossi, professeur à la Haute Ecole de Gestion de Fribourg soulignent que “la multiplicité des rôles que doit assumer le propriétaire-dirigeant peut l'amener à une surcharge de rôle” qui le met en danger lorsqu'il “reçoit de nombreuses attentes légitimes mais dont les réalisations dépassent les ressources individuelles”. Ils suggèrent d'intégrer la catégorie socioprofessionnelle des chefs d'entreprise dans la mise en place de méthodes de gestion du stress”, à l'image de ce qui commence à être réalisé pour les salariés.
2. Le cas particulier des “entrepreneurs par nécessité”
Le patron n'est pas toujours un privilégié et encore moins un surhomme maîtrisant sa vie et don destin. Depuis quelques décennies, on voit ainsi un nombre croissant d'entrepreneurs par nécessité, c'est-à-dire d'anciens salariés ayant créé leur entreprise non par goût, mais pour échapper au chômage. Un phénomène qui culmine avec la création du statut d'auto-entrepreneur. Pour Alain Fayolle et Walid Nakara, respectivement professeurs à professeur à EM Lyon Business School et à Sup de Co Montpellier Business School, ces entrepreneurs présentent des risques spécifiques. “Loin de redynamiser des individus déjà fragilisés et en perte de confiance, les situations de contrainte et d'isolement social et affectif qu'ils rencontrent peuvent contribuer à les faire douter encore plus, à générer du stress négatif et à provoquer une forme de désespérance, aux conséquences parfois dramatiques.” Les auteurs suggèrent de prendre en compte ces spécificités de façon à mieux outiller les organismes chargés d'accompagner ces nouveaux patrons au profil singulier.
3. La transmission : un deuil à surmonter
“Pour les dirigeants d'entreprises familiales, la transmission constitue souvent un cap difficile à franchir étant donné la charge d'émotions qu'ils ont investie dans leur affaire.” Si bien qu'il n'est pas rare qu'ils développent des pathologies spécifiques telles que du stress, des troubles du sommeil, des dépressions, de l'eczéma, des ulcères gastriques sans oublier des maladies cardio-vasculaires voire des cancers. Autant de maladies qui, selon Thierno Bah, maître de conférence à l'IAE de Rouen et Sonia Boussaguet, professeur à Reims Management School, doivent inciter à mettre en place un accompagnement et un suivi spécifiques des chefs d'entreprise lors de cette phase potentiellement risquée de leur vie professionnelle.
Il y a deux siècles…
La souffrance des petits patrons reconnue par Jean Jaurès
La souffrance spécifique des patrons avait été mise en évidence dès le XIXe siècle par un certain… Jean Jaurès ! Dans une tribune publiée le 28 mai 1890 par la Dépêche de Toulouse cette figure de la cause ouvrière écrivait : “Le patronat a ses misères qui ne sont pas celles de l’ouvrier, qui sont moins apparentes, mais qui souvent sont poignantes aussi. […] Il y a des échéances qui pressent, il y a une baisse soudaine dans la valeur des produits et le crédit peut se dérober. Dans la moyenne entreprise, il y a beaucoup de patrons qui sont eux-mêmes leur caissier, leur comptable, leur dessinateur, leur contremaître, et ils ont, avec la fatigue du corps, le souci de l’esprit que les ouvriers n’ont que par intervalles.”
Pour aller plus loin :
- "La santé du dirigeant. De la souffrance patronale à l'entrepreneuriat salutaire", sous la direction d'Olivier Torrès, Editions de Boeck, juin 2012, 217 p., 20 €.
- Observatoire Amarok : www.observatoire-amarok.net
Auteur : La rédaction de Point Org Sécurité