Les TPE/PME implantées dans l’Union européenne doivent mieux appliquer les règles en matière de santé et sécurité. Et mettre en place des mesures efficaces de prévention des risques. Le cadre stratégique européen 2014-2020 pour la santé au travail a beau le graver dans le marbre, comment parvenir à un tel objectif ? Le projet Sesame lancé par l’EU-Osha (agence européenne pour la santé et la sécurité au travail) pour trois ans (2014-2017) doit justement permettre de trouver des réponses, car la marche à franchir est haute. Une première salve de résultats a été publiée en juin ; ils s’appuient surtout sur la littérature scientifique et dressent un état des lieux de la façon dont les TPE/PME vivent la santé et la sécurité au travail, ce qu’elles en savent, ce qu’elles en font…
Un cadre stratégique européen ambivalent
Dans les TPE-PME, la prévalence d’accidents graves et mortels est plus importante que dans les grandes entreprises, l'engagement et les connaissances en matière de prévention des risques y sont souvent limités : ce fossé entre grandes et petites entreprises concerne tous les États membres et est bien connu. La Commission européenne, avec son plan stratégique SST, entend bien changer la donne. Mais ce cadre est-il vraiment vecteur de solutions ? À la lecture de l’étude Sesame, on peut se demander s’il n’est pas, au contraire, source de problèmes. Le cadre stratégique européen introduit certes la nécessité d'une amélioration en SST du côté des TPE/PME ; mais il propose aussi de "simplifier la législation [...] afin de supprimer les charges administratives inutiles". "Pour le moment, le process de simplification n’est pas terminé, mais il faut rester vigilant, pour ne pas qu’il y ait de recul sur les exigences en matière de SST en milieu de travail", commente Marc Malenfer, chargé de mission TPE/PME à l’INRS. Il est déjà à l’œuvre, au niveau national dans certains États membres. En France (voir notre article) par exemple, ou en Angleterre où "les entreprises de moins de 10 salariés, sauf secteurs à risque, n’ont pas l’obligation de faire une vraie évaluation des risques", explique Marc Malenfer. Les chercheurs ayant participé au projet Sesame, eux, font carrément le lien entre "les mauvaises conditions de SST dans les PME" et ce type de "changement structurel".
Des contextes nationaux différents, un même constat
"Quand on demande aux TPE/PME ce qui les motive pour mettre en place des actions en santé et sécurité au travail, beaucoup répondent l’obligation réglementaire", fait par ailleurs remarquer Marc Malenfer (voir notre article). Pour lui, supprimer certaines obligations réglementaires pour les petites structures en matière de SST reviendrait à "se priver d’appuis" sur certains sujets, comme l’évaluation des risques. Ceci dit, il prévient : le levier réglementaire ne fait pas tout. Encore faut-il qu’il soit actionnable. Ainsi dans les TPE françaises, le taux de documents uniques non réalisés tournerait autour de 40 % et monterait jusqu'à 70 % dans les établissements de restauration ! D’après Marc Malenfer, si la réglementation française est la même pour tous, toujours est-il que "les TPE sont beaucoup moins armées que les autres pour l’appliquer". C’est "une question de budget, de compétences en interne et de temps disponible", dit-il. Autre spécificité française : le paysage institutionnel "très riche", à tel point qu’il est parfois délicat de savoir qui gère quoi… Au final, le bilan hexagonal n’est pas nécessairement plus brillant que dans un autre État membre. Ce que l’étude décrit, des modes de fonctionnement des TPE aux difficultés à les mobiliser sur la santé au travail, Marc Malenfer le voit aussi sur le terrain.
La stratégie du strict minimum
Il revient tout particulièrement sur un concept abondamment évoqué dans l’étude Sesame, et que la simplification réglementaire encourage : la stratégie "low road". Appliquée par "une bonne partie des PME" du continent concernant la santé au travail, elle se traduit en français par "stratégie de profil bas". En réalité, il s’agit plutôt du fait de traiter la thématique a minima, avec peu d’ambitions. Dans tous les pays sondés par les chercheurs, de même qu’en France, "le chef de TPE a généralement une vision à court terme et orientée vers la survie de l’entreprise", commente Marc Malenfer. Dans ce cadre, en ce qui concerne le management et la stratégie sur la santé au travail, "sa position est faible". "Il va s'accommoder des aspects réglementaires de la santé au travail de la manière la moins coûteuse en temps et en argent", complète le chargé de mission TPE/PME. Dans ces entreprises-là, rebondit l’étude, "l’exposition des travailleurs à des risques en matière de santé et de sécurité est susceptible d’être disproportionnée". À suivre, dans la prochaine phase du projet Sesame (voir encadré).
Et maintenant ?
Le projet Sesame (Safe small and micro enterprises) s’articule en 4 phases. La première est celle qui a abouti à "l’étude Sesame", une revue de littérature scientifique sur le thème TPE/PME européennes et santé au travail. La seconde phase, dont on devrait connaître les résultats à l’automne, inclut de l’enquête sur le terrain, dans 9 pays, directement dans les PME. Il s’agit de "comprendre les problèmes et les préoccupations en matière de sécurité et de santé sur le lieu de travail", du côté des employeurs et des salariés. Dans un troisième temps, des exemples de bonnes pratiques de prévention issus de programmes d’actions nationaux seront collectés. Enfin, une synthèse du projet sera établie, avec à la clé des recommandations devant permettre à l’UE de se rapprocher de ses objectifs en terme de santé au travail.Consulter le document sur les premiers résultats du projet Sesame, juin 2016 (en).
Auteur : Par Claire Branchereau, actuEL-HSE.
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