Devant la menace croissante que font porter les groupes terroristes sur le monde actuel et devant le risque accru d’attentats sur les vols aériens à l’instar de ce qui s’est produit récemment sur le vol 253 de la compagnie Delta Airlines, les autorités de plusieurs pays ont décidé de franchir une étape supplémentaire dans la sécurisation des avions en procédant à l’installation de scanners corporels au sein des aéroports afin d’améliorer la fouille corporelle de chaque voyageur. Le but de ces machines est assez simple : détecter facilement et rapidement tout objet qui serait dissimulé sous les vêtements. Outre le débat sur l’efficacité de ces machines pour la détection de certains explosifs liquides et d’armes cachées dans certaines parties du corps (les organes génitaux et le rectum étant en général floutés sur les écrans de visualisation) et sans entrer dans la polémique sur le droit à la vie privée et le risque de voyeurisme lié à ces nouvelles techniques, il est intéressant d’analyser le risque médical éventuel qui pourrait résulter de l’utilisation de ces appareils sur l’organisme humain.
Le principe des machines à ondes submillimétriques est assez simple à comprendre : le scanner envoie une série d’ondes électromagnétiques dont la longueur d’onde varie entre 0,1 et 1 mm sur l’organisme – il s’agit du domaine situé entre les rayons infra-rouges et les micro-ondes. Ce type de rayonnement non-ionisant a la capacité de traverser facilement toutes les structures non conductrices comme le tissu (vêtements), le papier, la céramique ou le plastique. Par contre, ces rayons seront arrêtés et ensuite renvoyés (on dira plutôt diffusés) par tout objet métallique ainsi que par la présence d’eau (présente à hauteur d’environ 70% dans l’organisme humain). Les détecteurs placés autour du corps vont ensuite analyser en direct la diffusion des ondes submillimétriques renvoyées par les structures rencontrées et fournir une image 3D assez rapidement.
Il faut tout d’abord savoir que lorsque l’on évoque les scanners corporels placés dans les aéroports, on parle de deux types de machines fort différentes. Nous avons d’une part les détecteurs qui utilisent des ondes submillimétriques aussi appelées ondes Terahertz ou ondes T et d’autre part les machines qui fonctionnent avec des rayons X de très faible énergie. Les scanners utilisés dans les aéroports sont essentiellement composés de détecteurs à ondes submillimétriques.
Les ondes T ne font pas partie des rayonnements dits ionisants et ne peuvent donc en théorie pas provoquer de dégâts sur la structure des tissus ou l’architecture de l’ADN. De plus, l’énergie déposée par ces rayons reste très faible et donc non dangereuse. Il y a cependant un petit bémol dans le sens où, très récemment, une équipe de scientifiques américains a montré qu’il était possible, in vitro, d’induire indirectement des lésions de la double hélice d’ADN par un effet de résonance résultant du passage des ondes T dans les cellules. Ces résonances provoquent la formation de microbulles qui peuvent entraîner des ouvertures spontanées dans la structure de double hélice de l’ADN ce qui pourrait à terme freiner la division de l’ADN et avoir un impact sur l’expression génétique. Le tout est désormais de savoir qu’elle est l’importance de cet effet sur le tissu vivant et surtout de mesurer la nocivité éventuelle à long terme en cas de contacts répétés.
Nous avons ensuite les scanners corporels qui utilisent des rayons X de faible énergie. Ces rayons sont dits ionisants car ils peuvent entraîner une ionisation des atomes et molécules contenues par exemple dans les cellules vivantes. Les rayons X utilisés dans les scanners corporels des aéroports appartiennent à la même famille que ceux utilisés dans les scanners médicaux à la différence près qu’ils ont une énergie nettement moindre que ceux rencontrés en médecine. Une autre différence importante dans l’usage de ces machines : en médecine, on étudie la transmission des rayons X énergétiques au travers du corps humain; dans les aéroports, ce ne sera pas la transmission mais la diffusion des rayons X par effet Compton au contact de la peau qui sera analysée et qui fournira une image 2D du voyageur. Le passage au travers du scanner corporel ne dure classiquement que quelques secondes pendant lesquelles le corps est soumis à un faisceau de rayons X.
Afin d’évaluer l’importance des effets occasionnés sur le tissu vivant par les rayons ionisants, les spécialistes utilisent une unité de mesure spécifique appelée le Sievert (Sv). Pour connaître l’équivalent de dose mesuré en Sievert, il faut tenir compte de l’énergie déposée par le rayonnement dans l’organisme, du type de rayonnement utilisé et de la radiosensibilité du tissu traversé par le rayonnement ionisant. Connaissant ensuite les valeurs exprimées en Sievert, on peut évaluer le risque de voir apparaître à long terme des effets dits stochastiques ou probabilistes (effets cancérigènes ou tératogènes). Nous sommes constamment exposés à des sources différentes de rayonnements ionisants qu’ils viennent du sol (rayonnement tellurique, radon) ou du ciel (rayons cosmiques). En France, l’exposition annuelle aux rayonnements ionisants est évaluée à environ 3 mSv (0,003 Sv).
Pour donner un ordre de grandeur, lorsqu’un patient réalise un scanner thoracique, il va recevoir une dose qui correspond à environ une dizaine de mSv.
Selon la société de physique médicale américaine, la dose d’irradiation moyenne lors du passage de chaque voyageur au travers du scanner à rayons X correspond à moins de 1 microSv (millionième de Sv). En fait pour être plus précis, la dose varie en fonction des différents appareils et serait plus de l’ordre de 0,1 à 0,3 microSv ce qui correspond à la dose reçue en temps normal pendant 1,5 h ou à 2 minutes passées dans un avion lors d’un vol à 10.000 m d’altitude (impact du rayonnement cosmique). Vu la très faible valeur de la dose délivrée lors du passage sous le scanner à rayons X, les spécialistes (médecins et physiciens) estiment qu’il n’y a aucun danger potentiel pour l’organisme humain.