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Qualité de vie au travail : accords et désaccords

Classé dans la catégorie : Institutionnels

La loi sur le dialogue social contraint les entreprises à négocier sur la qualité de vie au travail depuis le 1er janvier, mais elle ne les oblige pas à conclure d'accord sur le sujet. La question de la QVT va-t-elle stagner pour autant ? Beaucoup d'entreprises se lancent hors accord.

"Avec la loi Rebsamen, pour ce qui est de la qualité de vie au travail, on passe du droit mou au droit dur", affirmait ce jeudi 18 février l'avocat Sébastien Millet lors d'une conférence sur la QVT. Cette fois-ci, la voilà solidement ancrée dans les NAO (négociations annuelles obligatoires), qui sont regroupées en trois blocs depuis janvier (voir notre article). Elle revêt par ailleurs "un certain formalisme", note l'avocat, puisque désormais – sauf accord majoritaire pour regrouper autrement les sous-thèmes obligatoires – la négociation dite QVT doit porter sur une liste d'éléments précis, de l'équilibre vie privée/vie professionnelle au droit d'expression directe des salariés. Pour autant, "la loi Rebsamen n'impose pas de conclure un accord", relativise-t-il. Peut-être fera-t-elle gonfler le nombre d'accord QVT ces prochaines années ? Si non, que peut-elle apporter sur le sujet aux entreprises ? Les négociations obligatoires et la signature d'un accord sont-ils la seule façon d'avancer sur cette thématique ?

Un accord ancien

Car il y a ceux qui ont un accord QVT entré en vigueur avant le 1er janvier 2016, et qui sont donc exemptés de négocier sur le sujet jusqu'au 31 décembre 2018. Prenons l'exemple d'Engie qui a choisi de signer un accord dès novembre 2014, dans le sillage de la loi sur la formation professionnelle. Pour rappel, cette loi encourageait à l’époque le regroupement dans une négociation unique QVT tout ou partie des NAO en vue de la conclusion d'un accord collectif "à titre expérimental". Celui d'Engie propose une démarche en trois temps : un diagnostic sur 6 thématiques QVT, la définition d’un plan d’actions puis un retour d’expérience annuel. Dans ce cadre, l’entreprise a par exemple pu mettre en place un observatoire du bien-vivre au travail ou bien un programme d’aide aux salariés aidants. Pour les entreprises comme celles-ci, le gros travail semble se situer désormais du côté des indicateurs de pilotage et du suivi de l'accord.

De la QVT hors accord

Et puis il y a ceux qui font de la QVT hors accord, qui sont concernés par la NAO sur le sujet dès cette année, mais pour qui la conclusion d'un accord n'est pas évidente. Ghislain Henry est DRH au sein d'un groupe de logistique du secteur pharmaceutique. Son entreprise, qui n'a pas d'accord, a connu "de nombreuses évolutions" récemment : fermetures de sites, changement radical de management, etc. "Derrière le côté effrayant de toutes ces changements, je considère qu'il y a de bonnes opportunités à saisir pour agir sur la QVT des salariés", expose-t-il. Lors de la fermeture de l’un des sites du groupe avec redéploiement des salariés sur d’autres par exemple. "Nous avons pris en charge des choses pour rendre la mobilité attractive, les inscriptions des enfants des salariés dans les écoles par exemple, et avons mis en place des cellules psychologiques pour gérer le ressenti des gens déplacés", se souvient-il. Il mène aussi des audits QVT sur certains sites, et compte continuer. Il assure : "Si l'on signe un accord QVT, ce sera en conclusion de nombreuses actions que nous aurons menées en amont". Pour Pierre Touchet, intervenant en prévention des risques professionnels chez Nokia, la QVT aussi se cultive hors accord. Et hors négociation obligatoire pour l'instant, même si l'entreprise y est soumise depuis le 1er janvier : "Le sujet QVT n’est pas forcément tabou, mais il n’est pas non plus facile à aborder autour d’une table, entre direction et partenaires sociaux... Il n'est peut-être pas encore assez maîtrisé", admet-il.

Besoin d'indicateurs

Il donne l'exemple d'une démarche qu'il estime être une démarche QVT, initiée lors de la relocalisation d'un site Nokia, de la province à l'Île-de-France. "Pour maintenir l’équilibre vie privée-vie professionnelle et les bonnes conditions de travail des 120 collaborateurs concernés, l'entreprise a fait intervenir un ergonome et créé des groupes de discussion en CHSCT", raconte-t-il. Suite à cela, des navettes entre l’ancien et le nouveau lieu de travail des salariés ont été mises en place, le travail en espace de coworking et le télétravail 3 jours par semaine au lieu de 2 ont aussi été autorisés temporairement, "pour absorber le changement petit à petit". En guise de retour d'expérience commente-t-il, l'entreprise constate "peu de départs"... On observe ici que comme dans les entreprises avec accord, une (grosse) marge de progression existe sur les indicateurs de pilotage QVT. L'exemple pose aussi question : qu'il y ait eu accord ou non, négociation fructueuse ou non, la QVT doit-elle permettre d'améliorer la résilience des entreprises face aux crises sociales ? Est-on ici dans la qualité de vie au travail décrit par l'ANI (accord national interprofessionnel) de juin 2013 ou plutôt dans la prise en compte des conditions de travail des salariés suite à un changement d'organisation (voir notre article) ?

Qualité du travail ? Obligation légale ?

Plusieurs conceptions de la QVT coexistent. Néanmoins il faut convenir du flou qui règne toujours autour de cette notion, et des bâtons qu'il met dans les roues des négociations et des signatures d'accord. Pour Alain Alphon-Layre, responsable santé-sécurité à la CGT, le concept n'est tout simplement pas le bon : il préfère "recentrer le débat sur la qualité du travail". "Lorsqu’on parle de qualité du travail, là on réussit à s’entendre", assure-t-il. Les entreprises, elles, semblent plus tentées de regarder du côté juridique. Devant elles ce jeudi, Sébastien Millet évoque la décision rendue par la Cour de cassation au sujet d'Air France le 25 novembre 2015 (voir notre article). Les juges y reconnaissent les efforts fournis par l’employeur en terme de prévention et concluent à une absence de manquement à son obligation de sécurité de résultat. "Va-t-on bientôt systématiquement considérer qu’avec un accord QVT, une entreprise se sera acquittée de ses obligations légales ?", interroge l'avocat. Voilà qui permettrait aux accords QVT de se démultiplier pour de vrai. Mais peut-être pas pour les meilleures raisons.

 

 

 

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